LUMIERE & NOIR ET BLANC

En 2017, je travaillais en tant que régisseur au théâtre des Bergeries à Noisy-le-Sec. À l'occasion du spectacle "Les Limbes" de la compagnie Monstre(s) d’Étienne Saglio, nous devions travailler dans l'obscurité la plus totale. Le spectacle, un croisement entre danse, marionnettes et magie nouvelle, utilisait de nombreux mécanismes habituels de la magie tels que des fils, des toiles et gazes transparents, ainsi que des jeux d'optique et de profondeur.

Tous ces dispositifs devaient rester invisibles aux yeux du public. Par exemple, entre la scène et le public, il y avait plusieurs fins rideaux, des tulles transparents, qui créaient déjà un léger obscurcissement de la scène et le flou nécessaire pour masquer les artifices.

Pour obtenir une obscurité parfaite, il a fallu aller au-delà des mesures habituelles. Nous avons traqué la moindre trace de lumière dans la salle : exceptionnellement, nous avons couvert les indications de sortie d’urgence et les doubles portes pour éviter la moindre entrée lumineuse.

Ce travail s'est effectué en plusieurs étapes. Entre chaque étape, il fallait que nos yeux s'habituent à l'obscurité pour être en mesure de détecter la moindre source de lumière. Lors de la dernière étape, je me souviens avoir grimpé sur les grappes d’enceintes du système son pour couvrir de scotch opaque une petite LED verte située derrière l’enceinte, côté mur. Je n'aurais jamais pensé que cette minuscule LED de fonctionnement puisse se voir, mais dans l’obscurité totale nos yeux s’étaient accoutumés et captaient la moindre trace lumineuse. Les premières minutes du spectacle jouaient sur cette accoutumance des yeux des spectateurs, arrivant de l’extérieur, s’installant dans une salle éclairée, la mise au noir les a plongés dans une ombre impénétrable avant que les premières faibles lueurs ne viennent de la scène pour guider le regard.

Qui dit lumière, dit ombre, et à l’époque que j’affectionne du cinéma en noir et blanc, les cinéastes ont jouer avec cette dualité. L’exagérer, l’exacerber, la dramatiser...

Il y aura d’un côté ceux qui vont prendre la lumière telle qu’elle est sans la modifier, uniquement pour éclairer la scène, le plan en question, sans vouloir personnifier la lumière ni lui donner forcément un sens. Il peut se passer un événement grave dans le film, la mort du héros ou une découverte de tromperie, la lumière ne changera pas, n’intensifiera pas l’événement en question. L’éclairage restera neutre. Ce cinéma se tourne vers le monde réel et son éclairage, sa lumière neutre, sans artifice. Si la lumière dans ce mouvement n’est pas encore codée, c’est que l’on est au début du cinéma. On voudra d’abord jouer sur la vraisemblance du film, pousser au bout le côté réel de l’histoire, du décor, de l’éclairage. Cela est également dû aux premières pellicules de l’époque (orthochromatique) qui n’était pas très sensible à la lumière et aux couleurs. Du coup, il fallait éclairer en conséquence les décors ou bien jouer en extérieur dans de bonnes conditions météorologiques.

Puis de l’autre côté le mouvement expressionniste. Les cinéastes de ce mouvement vont tout simplement s’en donner à cœur joie en terme de dramatisation de la lumière. Ce mouvement connaît un essor en Allemagne à la fin de la Première Guerre mondiale et repose sur une théâtralisation forte de la lumière. Les Allemands vont se retrouver confrontés à un problème de taille : le soleil n’étant pas toujours présent aux pays, il leur fallait trouver des stratagèmes afin d’éclairer leurs décors. Ils mettent en place tout un système d’éclairage, avec cette optique de théâtraliser cette dernière. Apparaissent au cinéma les lampes à arc venu de l’univers du théâtre (théorisé par Adolphe Appia) permettant d’intensifier l’éclairage d’une scène, de raconter et transmettre une émotion à travers ses lumières, le jeu des acteurs assez typé et des décors assez anguleux participent de cette esthétique.

L’ombre est inquiétante, mais si l’on s’arrête à son absence, on ne voit que la surface des choses, leur simple apparence. Actuellement, l’ombre est traquée, et la part de l’éclairage artificiel ne fait qu’augmenter, rétrécissant considérablement le territoire des zones d’ombres. Cette tendance affecte notre vie, notre repos, la vue du ciel et celle de l’environnement naturel.

L’ombre crée du mystère et de l’attente. Selon *Dominique Bruguière, elle donne une place exacte à ce que l’on veut montrer. Qu’elle soit nette ou brumeuse, l’ombre dialogue avec l’environnement et les objets qui l’habitent. Elle définit les volumes, les reliefs, les précise ou les soustrait du regard.

"C'est de l'ombre que naît la lumière, et elle ne peut être inventée sans elle. Plus l'ombre est profonde, plus il est possible de raconter l'infini." Dominique Bruguière

Dans la peinture byzantine, l’arrière-plan est souvent de lumière, en feuilles d’or. En observant les icônes directement dans les églises lors de mon séjour en Grèce, j’ai remarqué que l’obscurité joue un rôle important. L’or et l’argent sont présents en abondance dans l’orthodoxie, et dans la pénombre des églises, ces métaux luisent discrètement, mettant en valeur les objets et icônes. Là où, dans les églises catholiques, la lumière extérieure est mise en valeur et invitée à pénétrer pleinement dans l’espace, dans une église orthodoxe, il semble que la lumière doive venir de l’intérieur, directement des icônes. La lueur qui en résulte crée une existence intermédiaire entre l’œil du spectateur et l’icône, similaire à l’effet produit par les œuvres de Pierre Soulages, où l’œuvre prend vie dans l’espace devant la peinture.

Le Cabinet du docteur Caligari, Robert Wiene, 1920

Le cabinet du Docteur Caligari © 1919 de Robert Wiene

La Mise au tombeau, XVe siècle.

“Un objet n'est plastique pour nos yeux que par la lumière qui le frappe, - et sa plasticité ne peut être mise artistiquement en valeur que par un emploi artistique de la lumière, cela va de soi.

Notre scène est un espace indéterminé et obscur. Nous devrons premièrement y voir clair, cela est évident. Mais cela n'est guère qu'une condition primordiale telle que le serait la simple présence de l'acteur sans son jeu. La lumière, aussi bien que l'acteur, doit devenir active; et pour lui donner le rang d'un moyen d'expression dramatique il faut la mettre au service de... l'acteur qui est son supérieur hiérarchique, au service de l'expression dramatique et plastique de l'acteur.

Supposons que nous avons créé un espace convenant à l'acteur; la lumière aura comme obligation de convenir également à l'un et à l'autre. Nous allons voir l'obstacle que notre mise en scène moderne oppose à cela. La lumière est d'une souplesse presque miraculeuse. Elle possède tous les degrés de clarté, toutes les possibilités de couleurs, telle une palette, toutes les mobilités ; elle peut créer des ombres, répandre dans l'espace l'harmonie de ses vibrations exactement comme le ferait la musique. Nous possédons en elle toute la puissance expressive dans l'espace (…)”

Adolphe Appia.

*Dominique Bruguière, née en 1950, est une éclairagiste française. Elle a collaboré avec des metteurs en scène et réalisateurs tels que Claude Régy, Jérôme Deschamps, Macha Makeïeff, Patrice Chéreau, Luc Bondy.

Peinture 181 x 91cm, Pierre Soulages 7 Avril 2007

Les lumières dans mes dessins sont des représentations figuratives. Tout comme mon utilisation du noir, je ne l’utilise pas pour ses qualités inhérentes contrairement à Pierre Soulages, qui utilise pleinement le vocabulaire de la lumière réelle dans ses œuvres, ce n’est pas le cas dans mes travaux.

Le goût pour les ombres et les lumières taillées me vient de la manipulation des projecteurs découpes de théâtre. Sur les découpes de théâtre, comme celles de musée mais à une échelle beaucoup plus grande, le flux de lumière peut être coupé sur les quatre bords de l’appareil. Deux autres réglages permettent de faire la mise au point, rendant les bords de la lumière plus ou moins "sharp".

Viktor & Rolf à propos de la lumière dans les scénographies de Robert Wilson : la lumière crée un espace, le rayon de lumière défait l’espace mesurable et le temps mesurable. Le fait que la lumière possède la plus grande vélocité possible – quand elle s’allume, elle est déjà là – en fait une force de stase.

Lumières découpées

Les images que je crée ressemblent à des scénographies, où l'utilisation des faisceaux lumineux joue un rôle symbolique important. La lumière que j'introduis symbolise souvent une apparition divine, évoquant le surnaturel. Elle suggère une présence provenant de l’extérieur du cadre du dessin, immatérielle mais concrète, apparaissant fréquemment dans le coin supérieur gauche sous un angle de 45°.

Cette lumière n'est pas compatible avec la lumière du jour ; elle prend vie au cœur de la nuit. Ce n'est ni la lumière du soleil ni celle d'un astre, mais une lumière à la fois surnaturelle et théâtrale. Elle rappelle les projecteurs que j'utilisais au théâtre, montés sur une perche. La mise en place de cette lumière comporte deux étapes : d'abord, le réglage de la lumière diffuse qui doit se répandre uniformément sans créer d'ombre ; ensuite, l'ajustement de la lumière active pour obtenir l'expression désirée, parfois en utilisant des formes obstructives ou projectives.

Oliver Wolf Sacks, (1933 - 2015) était un médecin, neurologue et écrivain britannique renommé. Professeur à l'université Columbia et consultant dans de nombreux hôpitaux à New York, il est célèbre pour ses ouvrages qui démystifient les troubles du comportement liés aux lésions cérébrales. Ses livres, basés sur des cas cliniques réels qu'il rapporte et analyse avec des anecdotes captivantes, ont rendu accessible ses découvertes au grand public.

Pourquoi cette fascination pour le noir et blanc ?

J’ai longtemps cru que j’étais nyctalope. Jusqu’à mes 20 ans, je pouvais voir facilement dans l’obscurité, marcher dans des zones sans éclairage et, à l’inverse, j'étais facilement ébloui et souvent aveuglé par la lumière extérieure. Après quelques recherches, j’ai découvert que je n’ai aucune nyctalopie, et heureusement, c’est une condition souvent grave.

J’ai cherché un rapport entre cette caractéristique de vision et ma fascination pour le noir et blanc, avais-je quelque chose de défectueux dans mes yeux au niveau des cônes, ou des bâtonnets qui aurait influencé mes goûts ?

Est-ce que je compose des dessins pour des yeux où il n’y a que des bâtonnets ?

Les bâtonnets sont les cellules réceptrices situées dans la rétine qui font partie, avec les cônes, des cellules photosensibles. Ils permettent la vision scotopique, c'est-à-dire avec une luminosité faible. Grâce à un pigment nommé rhodopsine, ils transforment le flux électromagnétique de la lumière en signal bioélectrique. Le cerveau peut alors interpréter les signaux pour construire la vision. Cette vision n'est qu'en noir, blanc et nuances de gris, car il n'existe qu'un seul type de bâtonnets, alors qu'il existe trois types de cônes qui permettent la vision trichromatique pour les luminosités correspondant à la vision photopique.

Le nombre et la répartition topographique sur la rétine des cônes et des bâtonnets diffèrent. Chez l'homme, les cônes sont 7 millions et les bâtonnets de 110 à 130 millions, se pourrait-il que j’ai une proportion légèrement supérieure de bâtonnets par rapport à la moyenne ?

Dans cette recherche, un article à propos d’un essai d’Oliver Sacks et d’un ami à lui, ophtalmologue Robert Wasserman, a retenu mon attention, “The Case of the Colorblind Painter”

En 1986, ils ont reçu la lettre suivante :

“Je suis un artiste assez accompli, ayant tout juste dépassé les 65 ans. Le 2 janvier de cette année, alors que je conduisais ma voiture, j'ai été heurté sur le côté passager par un petit camion. En me rendant aux urgences d'un hôpital local, on m'a diagnostiqué une commotion cérébrale. Lors d'un examen de la vue, il s'est avéré que je ne pouvais plus distinguer les lettres ni les couleurs. Les lettres semblaient être des caractères grecs. Ma vision était telle que tout me semblait comme si je regardais un écran de télévision en noir et blanc. En quelques jours, j'ai retrouvé la capacité de distinguer les lettres et ma vision est devenue aussi perçante que celle d'un aigle - je pouvais voir un ver qui se tortillait à un pâté de maisons. La netteté de la mise au point était incroyable. MAIS - JE SUIS TOTALEMENT DALTONIEN. J'ai consulté des ophtalmologistes qui ne connaissent rien à ce problème de daltonisme. J'ai aussi vu des neurologues, mais en vain. Même sous hypnose, je n'ai pas réussi à distinguer les couleurs. J'ai subi toutes sortes de tests. Mon chien brun apparaît gris foncé. Le jus de tomate semble noir. La télévision couleur est un véritable chaos. Et ainsi de suite.”

Aucune des conditions habituelles liées à l’absence de vision des couleurs ne s’appliquait à cet homme. En conclusion, les chercheurs pensent qu’il s’agit d’un cas de véritable "oubli" des couleurs — à la fois psychologique et physiologique, stratégique et structurel. Peut-être cela survient-il chez quelqu'un qui n'est plus capable d'imaginer ou de se souvenir des couleurs, ou de générer de manière physiologique un mode perdu de perception.

Cela ne se produit pas, en revanche, chez ceux qui sont devenus aveugles ou sourds ordinaires ; leurs cortex cérébraux, leurs pouvoirs de représentation intérieure, restent intacts. C'est tout à fait différent pour les aveugles ou sourds qui, devenant non seulement non voyants ou non entendants, semblent perdre toute capacité de visualisation ou d'audition comme s'ils n'avaient jamais vu ni entendu.

La vie de cet homme a changé radicalement, au quotidien comme dans son travail artistique. Il a changé ses habitudes et est devenu un noctambule. Il s'est mis à errer beaucoup, explorant d'autres villes, d'autres endroits, mais seulement la nuit. Il conduit au hasard, arrivant au crépuscule, puis errant dans les rues la moitié de la nuit. Il a beaucoup souffert de la perte de sa vision des couleurs, deux ans après, il ne sait même plus que la couleur existe, il n’a jamais eu de couleur « fantômes » comme les amputés peuvent avoir des membres fantômes.

La musique, curieusement, était également altérée pour lui, car il avait auparavant une synesthésie extrêmement intense, de sorte que les différents tons se traduisaient immédiatement en couleurs, et il percevait toute la musique simultanément comme un riche tumulte de couleurs intérieures. Avec la perte de sa capacité à générer des couleurs, il perdit aussi cette faculté — son « orgue de couleurs » interne était hors d'usage, et maintenant il entendait la musique sans accompagnement visuel ; pour lui, c'était de la musique privée de son essentiel contrepoint chromatique, une musique désormais radicalement appauvrie.

Cet homme a développé une vision nocturne largement supérieure aux autres personnes, pouvant voir des détails à une grande distance dans l’obscurité. Avec son aversion pour la couleur et la luminosité, son attachement au crépuscule et à la nuit, son acuité visuelle apparemment améliorée au crépuscule et la nuit, Oliver Sacks et Robert WAsserman évoquent la ressemblance avec Kaspar Hauser, le garçon qui fut confiné dans une cave sans lumière pendant quinze ans :

Feuerbach en 1832

"Quant à sa vue, il n'existait pour lui ni crépuscule, ni nuit, ni obscurité… La nuit, il se déplaçait partout avec la plus grande confiance ; et dans les endroits sombres, il refusait toujours une lumière quand on lui en offrait une. Il regardait souvent avec étonnement, ou riait, des personnes qui, dans les endroits sombres, par exemple, en entrant dans une maison ou en montant un escalier la nuit, cherchaient la sécurité en tâtonnant ou en se raccrochant à des objets adjacents. Au crépuscule, il voyait même beaucoup mieux qu'en plein jour. Ainsi, après le coucher du soleil, il a lu une fois le numéro d'une maison à une distance de cent quatre-vingts pas, qu'en plein jour il n'aurait pas pu distinguer si loin. Vers la fin du crépuscule, il a un jour indiqué à son instructeur un moucheron qui pendait dans une toile d'araignée très éloignée.”

Paysage nocturne, MsPaint, 2022

sunroof, MsPaint, 2024

On prête au noir et blanc un caractère intemporel, presque surnaturel, associé à la nostalgie et le passé figé. Il offre une esthétique unique qui met en valeur le contraste, la texture et la composition. Sans la distraction des couleurs, les spectateurs peuvent se concentrer davantage sur les formes, les lignes et les émotions transmises par l'image. Les images monochromes permettent des interprétations abstraites de la réalité, évoquant des émotions et transmettant une ambiance de manière puissante.

Par rapport à son coté intemporel, un avantage des tirages photographiques en noir et blanc, notamment des tirages argentiques, est leur durabilité. Les tirages au bromure d'argent, correctement traités et soigneusement lavés, peuvent résister des siècles, ce qui en fait des archives précieuses. En revanche, de nombreux procédés photographiques en couleur produisent des images qui se décolorent avec le temps, mettant en évidence la stabilité à long terme des tirages en noir et blanc. Cela rappelle les couleurs autrefois vives sur les monuments antiques, disparues au fil du temps, ne laissant que la blancheur de la pierre qui deviendra une référence esthétique de la période classique.

Est-ce que les couleurs me semblent trop proche du réel ?

François Truffaut reprochait à la couleur (dans le cinéma) d’enlaidir les choses et d’être trop proche de la réalité.

"La couleur, c’est l’ennemie. À partir du moment où un film est en couleurs, qu’il est tourné dans la rue, aujourd’hui, avec de l’ombre et du soleil, ce n’est plus du cinéma. Ce n’est pas de l’art, c’est ennuyeux. Lorsque tous les films étaient en noir et blanc, très peu étaient laids, même lorsqu’ils étaient dépourvus d’ambition artistique. Maintenant, la laideur domine..."

En terminologie informatique, le terme noir-et-blanc est parfois utilisé pour désigner une image binaire composée uniquement de pixels purement noirs et purement blancs; ce qui serait normalement appelé une image en noir et blanc, c'est-à-dire une image contenant des nuances de gris, est désigné dans ce contexte comme une image en niveaux de gris. Dans le cas de mes dessins réalisés sur Paint, j’ai d’abord commencé par un noir et blanc binaire avant de me tourner vers les tons de gris. J’apprécie à la fois l’idée de n’avoir que deux choix, blanc ou noir, rien ou quelque chose, ou deux riens différents et celui d’avoir l’infinité de variations entre ces deux points avec les niveaux de gris. Et même au delà, mon noir et blanc numérique est limité par la capacité de contraste de mon écran.

Pierre Soulages racontait souvent cette anecdote de lui enfant, dessinant avec de l’encre noire, répondant aux adultes amusés qu’il dessinait la neige. Le noir mettant en valeur le blanc du papier pour évoquer l’éclat de la neige par contraste. Dans la suite du reportage, Soulages évoque qu’à part cette anecdote, il ne sait pas pourquoi il apprécie tant le noir.

Qu’un artiste aussi immense affirme ne pas savoir réellement pourquoi il a utilisé toute sa vie la couleur noire n’est pas très encourageant pour ma propre question.

À ce stade, je n’ai aucune idée précise sur cette question. Cependant, cette recherche sur mon noir et blanc m’a indirectement amené à interroger le volet figuratif de mon travail. Comme je l’ai souligné dans la partie sur le dessin numérique, l’outil numérique me permet d’atteindre les images souhaitées beaucoup plus rapidement que si je devais les créer physiquement avec de la peinture. Ce faisant, ma pratique « analogique » se libère lentement de sa dimension figurative.

Progressivement, je commence à travailler les matières de la peinture noire autrement, explorant une direction plus abstraite. Mon noir et blanc et les lumières que je figure vont ainsi changer significativement de forme dans les années à venir.

Les premiers essais de cette nouvelle voie ont abouti à deux œuvres (ci-dessous) que j’ai exposées du fin 2023 à février 2024 au musée des Beaux-Arts de Caen. Ces deux dessins illustrent ce changement et cette orientation plus abstraite que je suis en train d’explorer tout en gardant le noir-et-blanc.

* Cette nouvelle direction est également visible dans mon travail d’illustration pour Luigi Castiglioni, où j’ai pu explorer de nouvelles variations de ma technique tendant vers l’abstrait.

Sans titre, gouache et acrylique sur acétate,50x70cm 2023

Stèle Paysage, gouache et acrylique sur acétate,70x100cm 2022