2007 le bac en poche, je n’avais pas d’idées sur ce que je voulais faire, j’ai tenté le concours d’entrée de l’école d’architecture de Rouen, sans succès. Je n’étais pas attiré par le conservatoire de théâtre et étrangement je ne me suis pas dirigé immédiatement vers la régie, qui semblait pourtant tout indiqué. Pris par le temps dans les démarches post-bac j’ai finalement choisi de me tourner vers la menuiserie en alternance chez les Compagnons du Devoir, pensant que le contact avec un travail manuel me permettrait d’avoir les idées plus claires pour la suite.
J’ai fait cette alternance entre ma ville et Paris, logé dans la maison des Compagnons prés de l’hôtel de ville. C’était une expérience frustrante et mon contrat m’a paru très long sur la fin de ces deux années d’apprentissage. L’ambiance chez les Compagnons était très autoritaire, très oppressante, il fallait se plier à une vision du monde très masculiniste et j’ai mal vécu cette atmosphère viriliste, ayant le sentiment de m’être volontairement replongé dans le même bain malsain que j’avais vécu au collège quelques années plus tôt.
J’en ai tiré plusieurs choses : Ces deux années dans une menuiserie sévère et rude m’ont forgé le caractère et m’ont rendu beaucoup moins geignard. Je redoutais les périodes de formation chez les Compagnons mais j’appréciais certaines choses. Comme j’avais mon bac, j’étais dispensé avec d’autres de la plupart des cours donnés aux apprentis sortant directement du collège, nous étions alors confinés des jours entiers dans la salle de dessin où on nous donnait des plans de charpente à tracer. J’appréciais beaucoup de travailler à la table à dessin et d’utiliser les outils de géométrie, c’était un exercice difficile mais j’en ai gardé le goût du travail avec ces outils dans ma vie artistique actuelle.
Le fait d’avoir un salaire me permettait aussi d’explorer plus facilement mes centres d’intérêt, en dehors de mes heures de travail, je continuais à travailler dans le théâtre et j’ai commencé à développer une passion autour de la musique expérimentale issue du rock. Je découvrais la scène expérimentale allemande des années 70, Blixa Bargeld et Einsturzende Neubauten, Tony Conrad & the Dream Syndicate, Glenn Branca et la carrière de Holger Czukay, le bassiste de Can. Dissonance,collage sonore, musique de drones…
Je commençais, au contact avec ces musiques, à écouter le monde différemment, les sons de la menuiserie devenaient autre chose à mes oreilles, j’écoutais les textures et les rythmes issus des machines de l’atelier. J’ai commencé à accumuler, grâce à mon salaire d’apprenti, des appareils audio comme des magnétophones à cassettes, des enregistreurs hors d’âge, des micros, tout un matériel de création sonore dont je ne savais pas vraiment me servir.
Je savais déjà qu’à la fin de mon CAP en 2009, je m’orienterais vers le son, je me suis inscrit à l’ESRA, (École Supérieure de Réalisation Audiovisuelle) dans la section audio pour une formation de 3 ans.
Je me souviens que ma mère, au moment où j’ai choisi le son pour mes études m’avait demandé si ce ne serait pas mieux que j’aille dans la section cinéma ou animation, arguant qu’elle me trouvait plus visuel que sonore. L’expérience démontrera rapidement qu’elle avait raison mais je ne le savais pas encore.
Holger Czukay et Damo Suzuki enregistrant avec Can
Tony Conrad with Faust
Blixa Bargeld et Nick Cave, photo par Sachiko Naganuma
Michael Rother, dans le studio d’Harmonia 1973 par Ann Weitz.
Florian Fricke, du groupe Popol Vuh
Glenn Branca, The Ascension, 1982