Né en 1987 à Harfleur, près de la zone industrielle du Havre, j’ai grandi au bord de la mer et, dès mon plus jeune âge, j'avais une prédisposition pour le dessin. Cependant, cette prédisposition n'a jamais été vraiment développée et est restée une simple habitude.
Mon parcours scolaire a été marqué par des difficultés notables, en particulier un harcèlement constant durant les années de collège, laissant des cicatrices profondes. Ces expériences violentes, longtemps refoulées, ont resurgi plus tard, me poussant à réémerger la pratique du dessin comme un moyen d’expression et d’évasion.
Issu d’un milieu bourgeois et catholique, j'ai connu une transformation marquée, passant d’une attitude hautaine en primaire à une position de vulnérabilité au collège. J’ai par exemple, beaucoup utilisé ce petit talent de dessin pour écraser mes camarades, je suis passé de la position d’humiliant à celle de victime. Ça a été accentuée par une période d’isolement traumatisante en internat, où le dessin est devenu un refuge. J’ai arrêté de dessiner en 2001 et j’y suis revenu en 2012. Cette expérience et ces thématiques imprègnent mon travail actuel.
Plan et coupe de tombeaux de la vallée des rois, Description de l’Egypte 1822
Pendant ma période d’internat, dans mon isolement, je me suis réfugié dans le dessin et dans une passion sur l’Égypte antique, précisément sur les ouvriers de Deir-El-Medineh, communauté isolé dédié à la construction des tombes. Mon compagnon de prison pendant ces années de pension était un livre planqué sous mon lit, la description de l’Égypte par les savants qui accompagnait Napoléon lors de son expédition. Ce livre a influencé mon imaginaire visuel et les thèmes récurrents des tombeaux et des tunnels sont présents partout dans mon travail et peuvent être vus comme des vestiges de ce désir de refuge et de protection que j’avais.
L’arrivée au lycée a marqué un changement d’environnement et un climat plus serein. Cependant, mes résultats scolaires ne se sont pas améliorés mais le théâtre et la musique m’ont permis de m’investir dans des projets artistiques.
J’ai eu la chance de suivre une option théâtre dans mon établissement, ce qui m'a donné accès aux théâtres de ma ville. Cela m'a offert l’opportunité de m’impliquer créativement pendant ces années. J’ai découvert le travail de plateau, rencontré des comédiens et surtout exploré le travail de régie. C’est dans ce domaine que je me suis le plus investi, appréciant le travail dans l’ombre, caché derrière les drapés, et la présence discrète dans l’obscurité de la salle. J'étais fasciné par les silhouettes devant les lumières électriques et l’univers étrange créé par la musique et le son.
J’ai obtenu mon bac de justesse grâce à mon implication dans le théâtre. Pour l’épreuve finale, j’ai présenté un dossier sur l’importance de l’interaction entre la lumière et le son dans la scénographie. Mon analyse portait sur une mise en scène d’Hamlet par Hubert Colas, vue au festival d’Avignon en 2005.
Ce festival a eu une grande influence sur mes sensibilités artistiques et mon parcours. Nous avions voyagé de Normandie jusqu’en Avignon, un trajet de dix heures. À peine arrivés, nous avons assisté à une version de Hamlet de 4h30 dans un gymnase. Cette expérience m’a marqué par le conflit entre ma somnolence due à la fatigue du voyage et l’impact extraordinaire de la mise en scène. Bien que mes souvenirs visuels soient flous, je me rappelle intensément des sensations éprouvées : la salle était plongée dans une obscurité profonde et les apparitions des comédiens ont transformé ce Hamlet en un monde de spectres et de visions fantomatiques.



Hamlet, Hubert Colas, Avignon 2005

JAN FABRE
Cette édition du festival a été marquée par des scandales, notamment à cause des performances, des pièces et de l’exposition de Jan Fabre, l’artiste invité en 2005. Alors que Hamlet a été un choc positif pour moi, Jan Fabre a représenté son contraire : ma première rencontre avec une forme d'art contemporain vraiment subversive. Je n’arrivais pas à comprendre son travail et le rejetais complètement. Bien que j’aie rejeté ces œuvres avec une grande intensité, je me souviens encore de ces expériences avec une clarté étonnante. Si Hamlet a été une influence majeure, Jan Fabre l’a été aussi, mais de manière totalement différente.
Je me suis souvent interrogé sur la raison de ma réaction si vive face à ce choc initial. Mon incompréhension des œuvres, mon ignorance de l'art contemporain et l’effet de groupe – puisque plusieurs d'entre nous partageaient ce sentiment de rejet – ont joué un rôle important. À cet âge, les opinions sont souvent tranchées et la dynamique de groupe ne laisse pas de place aux nuances.
Aujourd’hui, j’aimerais revisiter cette exposition. Les nombreuses photos que j’ai conservées continuent de me fasciner. Les armées de scarabées, semblables à des chevaliers ou des phalanges d’hoplites, évoquent les comportements humains – l’agression, la conquête, la défense.
Les crânes couverts de carapaces d’insectes, tenant des animaux empaillés dans leurs mâchoires, frappent par le contraste entre leur beauté plastique et le rappel de la nature dévorante de l’humanité. Ce mélange de beauté et de mort, présenté sous un jour coloré, crée un décalage poignant.
Jan Fabre a exercé une influence particulière sur mon parcours artistique, même si celle-ci a d’abord été perçue négativement. Aujourd’hui, son travail me paraît sous un jour différent et je l’apprécie pour sa profondeur, sa réflexion sur la condition humaine et la richesse de ses références.


Un autre choc artistique et émotionnel majeur de cette période fut le visionnage de Psychose d’Hitchcock. Ce film a eu un impact profond sur moi, déclenchant une frayeur intense qui m’a hanté avec des cauchemars pendant plusieurs mois. Depuis mon jeune âge, j’étais déjà facilement enclin à la peur, évitant notamment les films d'horreur. Malgré cette appréhension, j'ai décidé de regarder Psycho à 18 ans, sans me préparer à l’ampleur de la terreur que j’allais ressentir. Le film a réveillé des peurs enfouies, des émotions que je ne parvenais pas à identifier, nécessitant un véritable effort pour comprendre l’origine de cet effroi.
Après avoir surmonté cette vague de peur, j’ai développé une obsession pour le cinéma d’horreur, visionnant de plus en plus de films pour explorer et comprendre mes propres angoisses. Ma découverte du cinéma expressionniste allemand a été particulièrement marquante. Il était étrange et fascinant d’être effrayé en 2005 par un film muet en noir et blanc de 1929 comme Nosferatu de Murnau. Cette expérience était comme une bénédiction, me permettant de revivre le sentiment d'innocence des spectateurs de l’époque tout en satisfaisant ma soif d’images terrifiantes.








