EVOLUTION TECHNIQUE
J’ai travaillé à améliorer ma technique, qui présentait plusieurs problèmes pratiques.
Le premier était que j’étais dépendant des bombes de peinture à la craie en spray de la marque Marabu, et je ne trouvais les caractéristiques voulus chez aucune autre marque. Les autres peintures en bombes ne convenaient jamais : soit je n’avais pas le rendu poudreux, soit la peinture ne tenait pas au support, ou pas suffisamment pour permettre un grattage précis.
Par ailleurs, l’usage de bombes poudreuses répandait dans mon atelier une fine couche de poussière noire forcément mauvaise pour les poumons, malgré mes précautions. Et fin 2020 Marabu a décidé d’arrêter la production de ces bombes de peinture. J’avais acheté plusieurs cartons d’avance, mais sur le long terme, il fallait trouver une solution.
J’ai donc essayé de trouver une peinture en pot similaire et utilisable dans un pistolet à peinture. J’ai essayé l’aérographe, mais je n’ai pas été satisfait du rendu : trop fluide, trop doux. J’avais besoin d’une texture marquée et de contours fermes, ce que les aiguilles trop fines de l’aérographe ne donnaient pas. J’ai finalement jeté mon dévolu sur un pistolet à peinture de carrosserie en observant le travail dans un garage. Ils sont entre les aérographes et les pistolets à peinture de chantier. Un jet restreint et fin, mais suffisamment grossier pour le rendu que je cherchais.
Le choix de la peinture s’est fait sur une autre peinture pour meubles, disponibles en grand pot. Tout ce travail de recherche s’est fait sur quelques mois avant que je trouve le bon équilibre. Ce changement m’a permis de varier l’usage de la peinture, utilisable au pinceau, au tampon, au pistolet à peinture et me permet d’utiliser une plus grande variété d’outils. Avec la peinture en bombe, j’étais contraint d’utiliser des outils en métal pour réussir à gratter avec le risque d’entamer et d’abîmer le support. Avec cette nouvelle peinture, je peux utiliser des outils en bois, des éponges, différents type de grattoirs pour obtenir un vocabulaire graphique plus large.
Actuellement, je suis en train de songer à l’évolution de ma technique artistique. Mon objectif est de simplifier encore le procédé et de trouver une méthode plus sobre. Le pistolet à peinture, bien qu'il m'ait permis de surmonter certaines limitations des bombes de peinture, présente néanmoins des inconvénients. Il nécessite une installation technique encombrante et un espace de projection protégé. Les retombées de poussières de peinture, bien que moins importantes qu’avec les bombes, restent problématiques.
L'amélioration de ma technique a également entraîné une augmentation de l'encombrement de mon matériel, ce qui complique la logistique et réduit la mobilité de mon atelier. J'aimerais réduire drastiquement cet encombrement en trouvant un procédé plus pratique et plus facile à transporter. Idéalement, cette nouvelle méthode devrait non seulement simplifier l’installation et l’usage de mes outils, mais aussi minimiser les retombées de poussières et autres résidus pour préserver un environnement de travail plus propre et plus sain.
Je réfléchis actuellement à l’utilisation de techniques de sérigraphie, qui pourraient répondre à ces critères. Je compte expérimenter ces techniques cet été pour évaluer leur potentiel.
Ce projet d’évolution de ma technique s’inscrit dans une démarche plus large de rationalisation de mon processus créatif. En explorant des alternatives, je souhaite non seulement améliorer les conditions matérielles de mon travail, mais aussi ouvrir de nouvelles perspectives artistiques. En réduisant l’encombrement et en simplifiant les procédures, je pourrais me permettre une plus grande flexibilité et adaptabilité, me consacrer davantage à l’aspect créatif et moins à la gestion logistique de mon atelier.
Lumiere, acrylique grattée sur filtre, 35x25cm, 2023
SUPPORT
Mon nouvel atelier à Caen m’a permis d’explorer des formats plus grands et d’essayer d’autres types de support. À Athènes, j’achetais des acétates servant pour les maquettes, me cantonnant à un format unique pour des raisons pratique. Ici, j’ai réfléchi à d’autres solutions. Étrangement, les prix des acétates sont radicalement plus élevés en France qu’en Grèce. Je me suis souvenu de mon travail d’éclairagiste au théâtre et des gélatines utilisées sur les projecteurs, que l’on achetait par grand rouleau de 7 m.
J’ai trouvé les rouleaux de filtres les plus transparents et j’ai commencé à les utiliser comme support. Leur finesse m’a permis de trouver de nouvelles utilisations, notamment avec la transparence. Par exemple, une technique que j’utilise souvent désormais est de finir le dessin complètement sur une face et de faire sur l’autre face des couches sombres pour dessiner les ombres et créer des variations entre les ombres d’une face et celles de l’autre, créant des zones de flou. Ainsi, sur ce dessin qui sera exposé lors de l’accrochage, l’ombre portée est sur l’autre face du dessin. Cette technique me permet de dessiner des ombres entières sans avoir à retoucher mon dessin, comme si j’éclairais mon décor de scène.
Sur ce dessin, les formes géométriques grattées se trouvent d'un côté, tandis que le brouillard gris est appliqué de l'autre côté de la feuille transparente.
Par la suite j'envisage de dessiner sur d’autres types de filtres, ayant accès à une large gamme de couleurs. Je veux explorer davantage et actuellement je prépare un projet de dessin où je m’intéresse aux teintures de pellicules utilisées dans les films expressionnistes pour symboliser les atmosphères et les ambiances. Ces codes proviennent du théâtre : le bleu pour la nuit, le rose pour l’aube, le vert pour la maladie, le jaune pour le jour et l’orange pour le crépuscule.
Cette direction me permettrait d’ajouter un nouveau degré de lecture et de simplifier mes dessins. Pourquoi simplifier ? C’est une question de luminosité. Le blanc d’une feuille ordinaire est son point le plus lumineux ; c’est pareil pour mon support de filtre transparent. Le point le plus lumineux (sauf usage d’un rehaut blanc) dépend de la teinte du filtre et de la teinte de la peinture blanche que je vais mettre de l’autre côté. La frontière entre la clarté et l’obscurité est très mince, et c’est encore plus vrai pour les filtres de couleur qui ont peu de dynamique entre les contrastes possibles avec le noir.
J’aurai donc recours à moins de strates de peinture et devrai réfléchir différemment à la composition de mes images.








IMPRESSION
Courant 2021, j’ai développé une variation intéressante de ma technique en expérimentant. Je testais alors d’autres peintures à gratter et avais réuni un assortiment d’acryliques et de gouaches pour les essayer une à une sur mon support. Je voulais comparer les réactions, l’accrochage au support, la tenue et la capacité de grattage. Les résultats avec les différents types d’acrylique étaient peu concluants, mais j’ai eu des surprises avec la gouache.
La gouache répondait bien à mes critères : elle accrochait facilement le support et se grattait très facilement, réagissant bien aux différents types d’outils.
Dans les films d’animation à l’ancienne ou dans la tradition du matte painting au cinéma, la gouache était souvent utilisée pour son opacité et son rendu mat. La gouache semblait idéale, alors j’ai poussé les tests plus loin, jusqu'à essayer de la combiner avec ma peinture à la craie (acrylique + craie). Le résultat n’était à priori pas réussi et c’est en voulant récupérer les feuilles pour un autre usage, une grande qualité de mon support est que je peux le laver à l’eau et le remettre à zéro.
En nettoyant à l’eau, j’ai remarqué que la peinture à la craie tenait sur les zones sans gouache et se détachait lorsqu’elle était combinée avec la gouache. J’ai donc repris mes essais et constaté que je pouvais réaliser des impressions en négatif. En dessinant d’abord à la gouache avec ma technique habituelle et en grattant des zones blanches, puis en recouvrant la feuille avec la peinture à la craie, je pouvais après un certain temps de séchage, passer de l’eau et détacher les zones avec la gouache, laissant la peinture à la craie dans les zones sans gouache.
Je peux utiliser la gouache comme un liquide de masquage, beaucoup plus facile à utiliser que les autres liquides disponibles. Cette méthode peut être intégrée à tout moment dans ma technique habituelle : au début, pendant ou à la toute fin. Par la suite, j’ai combiné la gouache avec différents solvants, du sel, des produits ménagers, du savon, etc., pour créer des textures variées.
Impression gouache et savon, 60x50cm, 2024
Impression gouache et grattage, 50x70cm, 2024
Technique de grattage + impression gouache et sel, détail
Technique de grattage + impression gouache et sel, détail